Que signifiait être allemand au XXe siècle? C’est la question posée par ce magistral documentaire de Thomas Heise.
Le « Heimat », intraduisible concept allemand renvoyant au pays natal autant qu’au foyer, inspire au documentariste Thomas Heise une fresque en forme de collage, qui porte le tragique de l’Histoire. Celle de sa famille, mais aussi celle du XXème siècle. Ce qui débute avec les souffrances de la Première Guerre mondiale nous mène aux laboratoires politiques que furent les deux Allemagnes. Heise y lit des lettres échangées par ses parents et grands-parents. L’ensemble évoque les mariages, la guerre et les camps de travail. Le tout sur fond de paysages, à la fois esthétiques et fantôme, de Dresde à Berlin : bâtiments militaires à l’abandon, autoroute fermée ou éoliennes tournant imperturbablement. Tout ce qui a été tourné aujourd’hui l’a été en noir et blanc. La couleur a été réservée pour les archives papier, souvent jaunies.
A la façon de Material, un autre film somme de Thomas Heise, qui gravitait autour de la chute du mur de Berlin, son Heimat est un tour de force cinématographique. Les événements ordinaires s’enchevêtrent de manière ingénieuse aux détails sur les faits historiques significatifs, autour de la question de l’appartenance intime à un territoire, de l’identité et de l’exercice du retour sur soi. Thomas Heise ouvre ainsi un espace-temps, une caisse de résonance dans laquelle vibrent des phrases, des images et des souvenirs. C’est une archéologie et une élégie du passé.
Festivals de Berlin (Prix Caligari), Nyon (grand prix), Linz (meilleur film) et Marseille 2019, Jerusalem 2019, New York 2019
Thomas Heise en né en 1955 à Berlin. Dès 1975, il travaille aux studios de la DEFA. Il rejoint la HFF de Potsdam – Babelsberg en 1978. Depuis, il travaille comme auteur et réalisateur indépendant. A partir de 1991, il collabore à la direction du Berliner Theater Ensemble.
Il a, entre autres, présenté au festival de Berlin Eisenzeit (1992), Neustadt (Stau –Stand der Dinge, 2000) et Mein Bruder. We’ll meet again (2005). L’une de ses œuvres les plus marquantes reste Material (2009), un montage des rushes et scènes coupées de ses précédents films, réalisés entre la fin des années 1980, en RDA, et 2008. Des « restes » : la mise en scène de la pièce de Heiner Müller Germania Tod in Berlin par Fritz Marquardt au théâtre ; l’évacuation des squats de la Mainzer Straße ; les manifestations de masse sur l’Alexanderplatz en novembre 1989 ; la démolition du Palais de la République … Autant de témoignages d’un Berlin pas si lointain.
[box type= »error »]Projection : jeudi 3 octobre à 18 h 30 > Projection suivie d’une rencontre avec Thomas Heise. Modération : Jean Jourdheuil, traducteur et metteur en scène[/box]Réalisation et scénario : Thomas Heise. Image : Stefan Neuberger. Musique : Charles Yves. Montage : Chris Wright. Son : Johannes Schmelzer-Ziringer. Producteurs : Heino Deckert, Johannes Rosenberg. Production : ma.ja.de. Filmproduktion (GmbH), Navigator Film. Durée : 218’
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